Activiste depuis une décennie, virulent avec sa plume dit «combattante», M. Makaila Nguebla est l’une des figures redoutables de droits humains au Tchad établi France. Il dénonce et conteste toute forme de violation des droits et libertés. Il est rentré au Tchad en décembre 2021 après la mort de Deby père, suite à la main tendue du fils. Devenue conseiller des droits humains de Mahamat Idriss Deby, 2 ans plutard, Makaila Nguebla rebourse chemin et décide de reprendre sa plume pour dénoncer. Flashtchad.com reçoit en interview, aujourd’hui et à 24h de l’élection présidentielle ce défenseur des droits.
FT: M. Makaila Nguebla, bonjour, après avoir servi la transition plus d’une année, vous avez décidé de reprendre votre « plume combattante », pourquoi ce revirement ?
MK: Merci pour cette interview. En effet, je pense que ce n’est pas un revirement en tant que tel mais plutôt une décision sage de notre part. Car, le poste que j’assumais a été supprimé de l’organigramme de la présidence alors que je me trouvais en mission à Genève. Je suis rentré au Tchad de bonne foi à la suite de la main tendue du Président de la Transition pour l’aider parce qu’il a fait appel à nous. La suppression de ce poste traduit la mauvaise foi du Président de Transition et son manque de respect de parole donnée à mon égard et à l’égard des autres camarades qui m’ont accompagné.
Face à cette situation, j’ai décidé de retourner en France où j’ai une attache familiale. J’ai repris avec mes activités de journaliste-blogueur et militant des droits humains pour poursuivre le combat et jouer ce rôle de veille citoyenne en faveur de la démocratie et de l’Etat de droit au Tchad. Bloguer et alerter est une suite logique de mon parcours de lutte.
FT : le 6 mai les tchadiens sont appelés a désigné leur président, une élection présidentielle suivie de très près par la communauté internationale où s’affrontent le président de transition Mahamat Idriss Deby et son premier ministre Masra Succès, une première en Afrique. Dites-nous en tant qu’observateur, défenseur des droits humains et aussi analyste, quel est l’enjeu de cette élection ?
MK: Le principal enjeu de cette élection est le retour à l’ordre constitutionnel qui mettra un terme à cette transition qui a duré 3 ans. Mais avec le retour d’exil de M.Succés Mars et sa nomination au poste de Premier ministre, les choses ont changé.Car les deux hommes politiques qui étaient alliés de courte durée sont subitement devenus des adversaires. L’un veut conserver son pouvoir et l’autre veut conquérir le pouvoir. Ce sui explique l’engouement des médias et observateurs à ces deux candidatures qui fixent l’attention de tous. Mais pour l’opposition tchadienne, les organisations de la société civile et les citoyens, cette élection est sans véritable enjeu parce qu’il pèse un lourd soupçon d’un deal entre Mahamat Idriss Deby et Son Premier ministre après l’accord de paix de Kinshasa qui cache des zones d’ombre.
FT: D’aucuns redoutent un conflit post-électoral, est-ce votre cas, si oui pourquoi ?
MK: Si on s’aligne sur le fait qu’il y a un deal entre les 2 hommes. Mais si on voit l’allure où la campagne s’est déroulée avec des piques des uns contre les autres, les germes d’une crise post-électorale sont réunis comme l’attestent plusieurs organisations nationales et internationales. Donc, une crise post-électorale risquerait de mettre le pays sous orbite de la Communauté internationale et nécessiterait son implication directe dans le cadre de la gestion de cette crise.
FT: Quel bilan pouvez-vous permettre pour les 3 ans de transition ?
MK: Un bilan de transition ensanglanté avec de nombreuses arrestations arbitraires et détentions illégales des citoyens dont le seul tort est d’avoir manifesté pacifiquement.Mais l’exécution extra-judiciaire d’opposant à l’instar de Yaya Dillo. Mais aussi l’interdiction des activités politiques et associatives des militants et acteurs politiques. Ce qu’il faut retenir c’est le durcissement d’un régime autoritaire avec les privations des libertés généralisées des citoyens. Le Président de transition avait toutes les chances pour rentrer dans l’histoire politique de notre pays.. S’il.nous avait écouter il obtiendrait le prix Nobel.de la.paix. Car nous avons pris.attache avec des institutions sérieuses.
FT: Vous êtes journaliste, hier 3 mai, vos confrères ont célébré la journée mondiale de la liberté de la presse. Au Tchad, comment se porte cette liberté ?
MK: Tout à fait, chaque année les journalistes et les organisations qui les accompagnent célèbrent la journée mondiale de la presse. Concernant le Tchad , la situation a toujours été compliquée parce que les journalistes sont confrontés à des difficultés d’ordre économique, sociale, sécuritaire et politique. Les autorités tchadiennes ne sont pas prêtes à améliorer les conditions de travail des journalistes ni à assainir l’environnement médiatique tchadien. Le dernier classement mondial de Rsf illustre parfaitement la situation du Tchad, classé 96/180.à l’échelle mondiale.
Je vous remercie pour l’intérêt et la possibilité que vous avez accordé à travers cette interview pour décrypter et analyser le processus électoral actuel au Tchad.
Entrevue réalisée par Abderamane Moussa Amadaye.