La récente attaque terroriste à Barkaram, dans la province du Lac a bouleversé le pays. Avec une quarantaine de morts, le président Mahamat Idriss Déby Itno a pris la décision de se rendre sur place et de lancer l’opération Haskanite pour traquer les assaillants. Il a passé près de deux semaines sur le terrain, sous haute tension, avant de rentrer dans la capitale. Si cet engagement a été salué par certains comme un signe de dévouement et de leadership, il a également suscité des critiques, notamment de la part de certains acteurs politiques et de la société civile. Dr Evariste NGARLEM TOLDÉ a fait le point avec flashtchad.com.
Dr. Evariste Ngarlem Toldé, analyste et coordinateur de l’alliance UMOJA-Toumai, a exprimé ses préoccupations au micro de Flashtchad.com. Selon lui, la présence du président sur le terrain en tenue militaire constitue une erreur. Il a relevé que le président, Mahamat Idriss Déby Itno avait déposé une note à la Cour suprême, s’était officiellement mis en retrait de l’armée avant la présidentielle. Toutefois, sa présence sur le front, accompagné de grades militaires, pose une contradiction à la fois sur le plan juridique et symbolique, dit-il. « La Constitution tchadienne interdit à un militaire de diriger le pays, et pourtant, il est apparu sur le terrain comme un militaire en activité », souligne Dr. Ngarlem Toldé. Il précise également que bien que le président soit le chef suprême des armées, une distinction qui incombe à tous les chefs d’État, cela ne signifie pas qu’il doive s’engager personnellement dans les opérations militaires. Selon l’analyste, cette pratique de descendre sur le terrain pour diriger directement une opération pourrait exposer le pays à des dangers, en particulier après la perte tragique de son père, le Maréchal Idriss Déby Itno, sur le front.
Après le retour de MIDI, des voix s’élèvent pour demander que le président soit élevé au rang de Maréchal, à l’instar de son défunt père. Dr. Ngarlem Toldé condamne fermement, ce qu’il qualifie de «griotisme», qu’il juge inapproprié et dangereux pour l’avenir du pays. « Il doit mettre un terme à ces pratiques et affirmer son autorité en interdisant ce type de glorification », ajoute-t-il. Pour lui, un chef d’État ne doit pas se placer sur le terrain, une mission qui devrait être réservée aux militaires qualifiés.
L’opération Haskanite, bien qu’elle ait été saluée par certains comme une victoire contre les terroristes de Boko Haram, n’a pas encore livré de résultats concrets.
Selon Dr. Ngarlem Toldé, le discours officiel affirmant que Boko Haram a été repoussé loin des frontières du Tchad rappelle des déclarations similaires sous le régime du Maréchal Idriss Deby Itno, qui avaient précédé une résurgence des violences. Pour lui, il est essentiel de prendre des décisions fermes et de ne pas se laisser emporter par l’émotion ou la symbolique militaire. « Le chef de l’État ne doit pas se laisser entraîner dans cette dynamique qui pourrait compromettre les résultats à long terme de nos efforts », conclut-il.
Abderamane Moussa Amadaye