Face à un avenir bouché, une majorité de jeunes tchadiens rêvent d’ailleurs. Le chômage, la corruption et l’absence de perspectives minent leur quotidien, certains prennent le chemin de l’exil, quitte à risquer leur vie dans le désert ou sur la mer. Témoignages d’une génération à bout de souffle.



Selon l’African Youth Survey 2024, 60 % des jeunes africains souhaitent quitter leur pays dans les cinq prochaines années. Au Tchad, cette statistique résonne comme un cri d’alarme. Le mal-être est profond, alimenté par un taux de chômage dépassant les 45 %, une corruption endémique et une absence criante de politiques publiques en faveur de la jeunesse.

« Cette situation s’explique par l’absence d’une économie fiable, un manque de politique claire, l’absence d’initiatives publiques et parapubliques cohérentes, et une corruption qui ronge toutes les institutions, y compris le secteur privé », déplore le sociologue Abderamane Abakar Younous, dit Toukchi. Pour lui, le rêve d’exil devient une réponse logique à un système qui a abandonné sa jeunesse.


Mahamat Ousmane, 29 ans, titulaire d’un master en génie civil, illustre ce désespoir. « J’ai passé cinq ans à l’université pour décrocher mon diplôme, mais depuis deux ans, je suis sans emploi. Ce n’est pas qu’on ne veut pas travailler, c’est qu’il n’y a rien. Même les rares concours sont verrouillés », a-t-il raconté.

Allafi Israël, jeune agronome, partage la même frustration. « Nous avons des terres fertiles, du soleil, de l’eau, et pourtant l’agriculture ne nourrit pas son homme. Je suis formé, mais sans moyens ni accompagnement, je reste à la maison. Le chômage, ce n’est pas un chiffre pour nous, c’est notre quotidien », dit-il.

Zenaba Haroun, diplômée en philosophie, pointe une impasse mentale. « On nous parle de rester, de servir le pays. Mais comment servir un pays qui ne vous donne aucune base ? Tout est devenu affinité. Je veux partir pour apprendre, pour exister. Rester, c’est disparaître lentement », a-t-elle déclaré les yeux pleins de désespoir.

Certains ne se contentent plus de rêver. Ali Saleh, 27 ans, a tenté la traversée du désert jusqu’en Libye. Le récit de son calvaire glace le sang. « Là-bas, c’était l’enfer, violences, prisons clandestines, faim… On m’a volé, battu, humilié. Je suis revenu vivant, mais brisé. Pourtant, malgré tout, je veux repartir. Parce qu’ici, il n’y a ni avenir, ni dignité. Mourir en tentant sa chance me semble parfois moins terrible que mourir à petit feu chez moi », a-t-il confié au micro de Flashtchad.com.


Pour endiguer cette fuite massive, des initiatives comme les microcrédits ou la formation professionnelle ont été mises en place, mais elles restent trop limitées. « Il faut des moyens conséquents et des projets bien planifiés sur plusieurs années. Sensibiliser ne suffit plus », martèle le sociologue Toukchi.

Il appelle à une réforme structurelle, « Il faut créer des conditions idoines, combattre l’injustice, instaurer une politique d’emploi claire, garantir une justice équitable et investir massivement dans des secteurs clés comme l’agriculture, l’élevage ou l’industrie. »

Notons que la fuite des jeunes n’est pas une fatalité. Elle est le symptôme d’un pays qui peine à offrir à sa jeunesse des raisons d’espérer. Pour inverser la tendance, le Tchad devra revoir ses priorités, et très vite.

Abderamane Moussa Amadaye

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