
Par un communiqué de presse publié ce 26 mai 2025, la Conférence Internationale des Barreaux (CIB) est interpellée à plus d’un titre par la crise ouverte en République du Tchad, à la suite de l’arrestation et de l’incarcération, le 20 mai 2025, de ancien Premier ministre et président du parti Les Transformateurs Dr Assyongar Succès Masra.
Accusé pour incitation à la haine, puis arrêté par le gouvernement le leader du parti Les Transformateurs Dr Assyongar Masra Succès a fait recours aux avocats étrangers pour intervenir aux côtés de leurs confrères tchadiens. Lesdits avocats désignés ont annoncé leur intervention, formulé des réserves sur la procédure en cours, et révélé les initiatives qu’ils envisageaient de prendre pour assurer la défense de Succès Masra. «Ils n’ont donc fait qu’exercer pleinement leur rôle et leurs prérogatives», a indiqué le communiqué.
Le gouvernement tchadien, par la voix de son porte-parole, Gassim Chérif Mahamat, a annoncé qu‘«il est désormais révolu, le temps où des avocats étrangers pouvaient venir, sous des prétextes fallacieux, influencer ou dicter le cours de la justice dans des Etats africains», rendant hommage aux avocats tchadiens qui sont formés et expérimentés et n’ont de leçon à recevoir de personne, et rappelant que le Tchad est un État souverain, doté d’institutions républicaines solides, en particulier d’une justice indépendante. Poursuivant dans le même esprit, le porte-parole a affirmé, lors d’une interview télévisée, que les avocats français ne fouleront pas le sol tchadien.
La conférence internationale des barreaux estime que le gouvernement tchadien viole un des fondements de l’État de droit, en ce qu’il remet en cause le libre choix de l’avocat par la personne poursuivie. Face à cette position, elle réfute catégoriquement l’allégation selon laquelle l’intervention des avocats étrangers constituerait une ingérence dans les affaires intérieures du Tchad, rappelle que cette intervention relève pleinement de l’exercice des droits de la défense, droits fondamentaux reconnus tant par le droit interne tchadien que par les engagements internationaux du pays, et que le ministre porte-parole a lui-même reconnus comme « non négociables »
La conférence internationale des barreaux souligne avec force que cette intervention s’inscrit dans un cadre légal et conventionnel, notamment en vertu de l’Accord judiciaire signé le 6 mars 1976 entre la République du Tchad et la République française, ratifié par les deux États. Cet accord prévoit expressément, à son article 27, «les avocats inscrits au barreau français peuvent assister ou représenter les parties devant toutes les juridictions tchadiennes, tant au cours des mesures d’instruction qu’à l’audience, dans les mêmes conditions que les avocats inscrits au barreau tchadien. À titre de réciprocité, les avocats inscrits au barreau tchadien peuvent assister ou représenter les parties devant toutes les juridictions françaises »,
Elle rappelle également que la République du Tchad a ratifié le statut de Rome adopté le 17 juillet 1998, constitutif de la Cour pénale internationale, qui garantit à toute personne le droit de choisir librement son avocat, ainsi qu’au gouvernement tchadien les engagements internationaux qu’il a librement souscrits et qu’il ne saurait violer sans se placer en contradiction avec l’ordre juridique international.
La CIB tient à exprimer son plein soutien au barreau de la République du Tchad et en appelle à la mobilisation de toutes les organisations internationales concernées afin que les droits de la défense soient pleinement et effectivement respectés en République du Tchad.
Noël Adoum