Dans un entretien exclusif accordé à flashtchad.com, Djoret Biaka Tedang, ancien haut cadre du fond monétaire international (FMI). Il est aujourd’hui co-coordonnateur de l’Alliance UMOJA-Toumai, revient sur la rupture de l’accord militaire entre le Tchad et la France. Il analyse les enjeux de cette décision historique et la lutte menée par son mouvement pour obtenir le départ de l’armée française du territoire tchadien. Entrevue.

FT: Bonjour Djoret Biaka, le Tchad a décidé de façon souveraine de mettre terme à la coopération militaire avec Paris. Que pensez-vous de cette décision ?

DBT: Cette décision est, à mon sens, un tournant historique. C’était le souhait clairement exprimé à maintes reprises par l’Alliance panafricaine UMOJA Toumai (APU-T) que je coordonne. L’annonce de cette décision intervient lors de la Journée de la Proclamation de la République, le 28 novembre, un moment hautement symbolique pour notre pays. Voir cette affirmation de souveraineté proclamée à une date aussi emblématique est source de fierté et d’espoir. Cela dit, il est impératif de ne pas s’arrêter au symbole. Le véritable défi réside dans le passage à l’action. Mahamat Idriss Deby Itno doit à l’immédiat annoncer les prochaines étapes notamment celle du démantèlement des bases militaires françaises sur notre sol au travers d’un agenda clair, impliquant le peuple Tchadien. Il doit surtout s’engager dans la construction d’une armée véritablement nationale, moderne, capable de répondre efficacement aux nouvelles menaces et de coopérer intelligemment avec les forces armées des pays voisins.

Cette rupture ouvre également de nouvelles opportunités stratégiques. Elle pourrait permettre au Tchad d’adhérer pleinement à l’Alliance des États du Sahel (AES), intégrant ainsi une dynamique régionale prometteuse. Mais au-delà de l’AES, notre rêve est plus vaste, celui de voir naître les États-Unis d’Afrique, une Afrique unie et forte. Nous espérons aussi que cette décision s’accompagnera d’une ouverture vers de nouveaux partenaires comme les pays du BRICS afin de tirer pleinement profit des opportunités réelles de financement non asphyxiant pour rattraper notre retard multidimensionnel.

FT: Quels défis voyez-vous pour Mahamat Idriss Deby Itno dans cette nouvelle phase ?

DBT: Les défis sont immenses, mais ils s’accompagnent d’opportunités enthousiasmantes. Tout d’abord, il devra s’entourer de personnes compétentes et partageant une vision panafricaniste claire. Cela nécessite de se débarrasser des opportunistes et des « rapaces » qui gravitent autour du pouvoir, des individus plus préoccupés par leurs intérêts personnels que par l’avenir du Tchad.La souveraineté doit être également ancrée dans le quotidien des Tchadiens. Elle doit devenir une souveraineté populaire, portée par une vision collective et un gouvernement en symbiose avec son peuple. C’est seulement ainsi que nous pourrons espérer ensemble remettre le pays sur les rails du développement durable et inclusif. C’est en vérité cela que nous souhaitons, parce que la France a jusqu’ici, joué contre la démocratie et la paix et donc contre le progrès des Tchadiens. Les jeunes n’en peuvent plus de souffrir de l’absence d’opportunité d’emploi, la diaspora souffre dans son âme des errements de ce Tchad qui ne se fait connaitre que par la guerre. Nous avons, la nouvelle génération, le devoir de changer cette image .

FT: Comment cette décision impacte-t-elle votre vision personnelle pour le Tchad ?

DBT : Cette décision confirme la justesse de la vision panafricaniste que nous avons. Beaucoup d’hommes politiques, y compris autour du régime ont peur d’afficher une posture panafricaniste. C’est vrai que les membres de l’APU-T sentaient les menaces planer sur eux. Nous sommes comblés par le fait que cette décision intervient juste quelques jours après que notre camarade Danibé Doudet recevait des intimidation de la part d’un conseiller de l’Ambassade de France au Tchad pour avoir dénoncé le traitement humiliant réservé aux anciens combattants des guerres de libération de la France. Je suis donc particulièrement enthousiasmé par cette décision si elle se matérialise, car elle enlève un obstacle majeur à la concrétisation de nos visions panafricanistes et de progrès pour le Tchad. Nous devrons maintenant progresser sur le terrain de la souveraineté monétaire entre autres.Tenez, par exemple, la base militaire française située à coté de l’aéroport Hassan Djamous représentait une contrainte dans le formulation d’une vision de développement de notre capitale. Le retrait de la base militaire française ouvre enfin la voie à mon projet de transformation de N’Djamena en une ville de paix et de lumière. Je peux désormais avancer plus sereinement sur ma vision de construction d’un nouvel aéroport moderne, financé sans coûts pour le Trésor public ni recours aux partenariats public-privé classiques mais essentiellement sur la revente du terrain de l’espace aéroportuaire actuel et le déplacement des bases militaires environnantes. Ce faisant un nouveau quartier des affaires pourrait être édifié sur l’espace aéroportuaire actuel, renforçant l’attractivité et l’efficacité de notre capitale.Enfin, au moment où ces décisions se prennent, l’organisation des élections législatives sont en cours et je suis candidat pour la circonscription Zone Afrique. J’y vois là une opportunité de construire au sein du Parlement une force politique capable de soutenir la vision panafricanisant de Mahamat Idriss Deby afin d’attaquer nos faiblesses structurelles sous tous les angles et avec tous les moyens démocratiques possibles.En conclusion, ce contexte d’ensemble nous amène à espérer que la vision d’un Tchad maître de ses décisions, où chaque initiative participe à bâtir un avenir plus prospère pour notre peuple est possible. Aujourd’hui, nous avons l’opportunité de poser des actions concrètes et il revient à Mahamat Idriss Deby de ne pas s’arrêter aux symboles.

FT: Merci d’avoir accepté de répondre à notre interview.

DBT: C’est à moi de vous remercier ! Entrevue réalisée par Abderamane Moussa Amadaye

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