La situation sécuritaire au Sahel demeure extrêmement tendue, et les alliances régionales sont plus que jamais au centre des stratégies de défense. Récemment, la présidence du Tchad a fait part d’une décision qui pourrait redéfinir les efforts antiterroristes en Afrique centrale. Suite à une attaque meurtrière de Boko Haram contre les forces tchadiennes à Barkaram dans la province du Lac qui a coûté la vie d’une quarantaine des soldats tchadiens, le président Mahamat Idriss Déby Itno a souligné le manque de coordination au sein de la Force Mixte Multinationale (FMM). Face à cette impasse, le Tchad envisage sérieusement de se retirer de la coalition, cherchant une solution mieux adaptée à ses réalités. Le Tchad, doit-il se battre seul ou trouver des nouveaux alliés partageant les mêmes ambitions et les mêmes réalités ?
Historiquement, le Tchad a joué un rôle clé dans la lutte contre le terrorisme au Sahel, notamment au Mali et aussi par son engagement militaire fort au sein de la Force mixte multinationale. Créée en 1994 et recentrée en 2015 sur la lutte contre Boko Haram, cette force rassemble 5 pays, le Cameroun, le Niger, le Nigeria, le Bénin et le Tchad. Pourtant, malgré l’espoir initial, la FMM semble aujourd’hui affaiblie par des blocages internes et un manque d’efficacité, ce qui a poussé le Tchad à envisager d’autres voies.
Dans ce contexte, l’Alliance des États du Sahel (AES), qui réunit le Niger, le Burkina Faso et le Mali, apparaît comme une option attractive. Bien que jeune, cette coalition offre une dynamique plus ciblée et une compréhension commune des enjeux sécuritaires, un ennemi partagé, souvent perçu comme un instrument de déstabilisation extérieure. L’AES se distingue par une approche plus cohérente, en phase avec les réalités locales, et une volonté commune de renforcer la sécurité sans dépendance excessive aux puissances étrangères.
Pour le Tchad, rejoindre l’AES pourrait non seulement améliorer sa lutte contre Boko Haram, mais aussi représenter une déclaration de souveraineté et d’indépendance géopolitique. Contrairement aux alliances parfois dictées par des pressions extérieures, l’AES rassemble des pays qui partagent des défis culturels et géographiques communs. Cette collaboration pourrait se traduire par des actions plus rapides et une flexibilité militaire accrue, loin des complexités administratives et des intérêts divergents qui minent souvent les grandes coalitions.
Cependant, intégrer l’AES comporte aussi des défis. Cette alliance est encore en phase de structuration et devra prouver sa capacité à instaurer une coordination efficace et durable. Pour le Tchad, cela pourrait signifier un engagement à long terme pour renforcer cette jeune coalition, mais aussi une occasion d’influencer directement ses orientations.Aujourd’hui, plus que jamais, l’Afrique doit se tourner vers des partenariats construits sur des visions et des intérêts partagés.
Abderamane Moussa Amadaye