
Dans une lettre ouverte adressée au Maréchal Mahamat Idriss Deby Itno, les commerçants et fournisseurs tchadiens dénoncent le non-paiement des dettes intérieures par l’État. Une situation qu’ils qualifient de « très dégradante », affectant leurs entreprises, leurs familles et l’économie nationale.
Voici l’intégralité de leur lettre ouverte :
LETTRE OUVERTE
À la Très haute attention du Maréchal MAHAMAT IDRISS DEBY ITNO, Président de la République, Chef de l’État
Objet : Refus du paiement de la dette intérieure due aux opérateurs économiques (commerçants fournisseurs de l’État)
Monsieur le Maréchal,
À l’entame de nos préoccupations, nous, l’ensemble des commerçants et fournisseurs tchadiens, avons le plus grand honneur de vous adresser nos très vives et respectueuses félicitations pour votre élévation profondément et hautement méritée à la dignité unique et ultime de Maréchal. Ce couronnement, qui n’est rien d’autre que la reconnaissance de vos inlassables et intrépides engagements ainsi que de vos sacrifices continus pour le Tchad, est un honneur pour l’ensemble des Tchadiens. Qu’Allah le Tout-Puissant vous bénisse et guide vos pas dans votre haute mission pour la souveraineté totale du Tchad.
Ceci étant, Monsieur le Maréchal, cela fait des années que nous sommes plongés dans une situation très dégradante, tant pour nos affaires que pour nos vies quotidiennes et celles de nos familles. Ces conditions sont devenues intenables, au point où certains de nos collègues en sont morts. Cette situation, relative au non-paiement de nos factures dues par l’État, est aujourd’hui arrivée au point de l’inacceptable. C’est la raison de cette lettre ouverte que nous vous adressons.
Monsieur le Maréchal, vous comprendrez que lorsque des individus ou une organisation en arrivent à utiliser un tel canal, cela signifie indubitablement que toutes les voies et moyens habituels sont épuisés. Nous vous prions d’accepter nos excuses à cet effet.
Pendant plus de cinq ans, jusqu’en 2020, et après d’intenses réclamations concernant les 1 000 milliards de dettes intérieures que l’État tchadien nous doit, le ministre des Finances de l’époque, en l’occurrence le même qu’aujourd’hui, avait pris l’engagement d’apurer cette dette, à condition qu’elle soit régulièrement auditée.
À la suite des discussions et négociations y afférentes, et selon les exigences dudit ministère, un cabinet d’experts externe avait été engagé. Une commission d’évaluation et d’audit de cette dette avait été mise en place. De cet audit, il est ressorti un montant de 185 milliards régulièrement audités et validés en Conseil des ministres, devant être automatiquement payés aux créanciers que nous sommes. Après de nombreuses hésitations de la part dudit ministère, un engagement à payer un montant de 110 milliards avait été pris. Mais, sur ces 110 milliards, seulement 85 milliards ont été payés avec le concours des banques commerciales locales.
Monsieur le Maréchal, depuis cette date jusqu’à aujourd’hui, ni les 25 milliards restants sur les 110 milliards, ni les 615 milliards restants sur les 1 000 milliards n’ont été versés, quelle que soit la hauteur envisagée. De plus, malgré l’engagement ferme pris par le ministère des Finances de mettre en place une commission d’évaluation pour procéder à ces paiements, cette commission n’a jamais vu le jour.
Monsieur le Maréchal, nous savons qu’en trois ans seulement à la tête de l’État, beaucoup de choses très positives ont évolué dans ce pays, et ce, sur tous les plans. Mais pourquoi cette situation nous est-elle imposée par le ministère des Finances ?
Dans cette dynamique souverainiste que vous avez engagée, est-il judicieux que de telles situations subsistent, et surtout sous votre direction salvatrice ? Nous osons penser le contraire.
Ainsi, comment admettre qu’en dépit de cet élan, le ministère des Finances refuse catégoriquement de régler une créance régulièrement auditée et validée, due aux commerçants, partenaires de premier ordre de l’État ?
Agir ainsi, c’est précipiter le pays dans des conséquences graves, notamment économiques, sociales, politiques, monétaires, financières, légales et administratives.
Comment décider d’exposer un pays fragile en réduisant sa confiance vis-à-vis des opérateurs économiques et des investisseurs ?
Comment, dans une économie fragile, peut-on délibérément compromettre la solvabilité de l’État, réduire sa crédibilité, et étouffer les PME, moteurs économiques, en les poussant à la faillite ?
Monsieur le Maréchal, nous, commerçants et fournisseurs, nous avons choisi de ne pas paralyser le pays malgré la gravité de la situation. Nous espérons que notre appel, par cette voie ultime, retiendra votre attention.
En comptant sur votre pragmatisme patriotique légendaire pour une solution négociée, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Maréchal du Tchad, Président de la République, Chef de l’État, l’expression de notre très haute et très fidèle considération.
Conjointement.