Décédé le 7 octobre dernier, Ray’s Kim, artiste engagé et porte-parole du parti Les Transformateurs, n’a pas eu droit à une dernière veillée digne. Ce qui devait être un hommage artistique s’est transformé en une scène d’humiliation. Gaz lacrymogènes, chaises brisées, familles dispersées, même mort, il dérange encore.
Hier, vendredi soir, au stade de Paris-Congo, dans le 6ᵉ arrondissement de N’Djamena, les artistes s’étaient réunis pour chanter, pleurer, se souvenir. Mais l’émotion a laissé place à la peur quand les forces de l’ordre ont fait irruption, tirant des gaz lacrymogènes sur la foule. Une scène d’une rare indignité, pour celui qui fut le fondateur du Rap Bounda, un rap né des ruelles, de la sueur et des douleurs des jeunes de marché de Dembé.
Rien de politique dans cette veillée. La famille biologique et artistique avait même pris soin d’écarter la présence du parti Les Transformateurs pour éviter tout amalgame. Pourtant, la répression a suivi jusque chez lui, au domicile familial. Des forces de l’ordre, arrivés en Toyota, ont dispersé les proches, femmes et enfants, rassemblés pour rendre un dernier hommage à leur fils et confrère. L’odeur du gaz a remplacé celle de la douleur.

Depuis avril 2021, la peur s’est installée comme mode de gouvernance. Les événements du 20 octobre 2022, ceux du 28 février 2024, et aujourd’hui la profanation d’un hommage funèbre, montrent qu’au Tchad, l’expression libre, même dans le deuil, est devenue un crime.
Ray’s Kim méritait la reconnaissance du pays qu’il a chanté, critiqué, aimé. En étouffant son hommage, c’est la dignité d’une nation qu’on a étouffée. Et désormais, sa voix résonnera plus fort encore, dans le silence qu’on lui impose.
Abderamane Moussa Amadaye