Hier, le Tchad a célébré le 35ᵉ anniversaire de la liberté et de la démocratie, marquant l’arrivée au pouvoir du Mouvement Patriotique du Salut (MPS) et d’Idriss Deby Itno, qui avait mis fin à la présidence de Hissein Habré. À cette occasion, le Professeur Ahmat Mahamat Hassan, ex-ministre de la Justice et analyste politique, a livré son analyse sur l’état actuel de la démocratie dans le pays.
« Nous avons traversé depuis plus de trois décennies ce qui était supposé être une démocratie et une période de liberté. Désolé, le Tchad n’a jamais été réellement une démocratie, ni un véritable espace de liberté », a-t-il déclaré. Selon lui, « la démocratie suppose que la dévolution du pouvoir se fasse par la volonté des citoyens. Ce sont eux qui doivent voter et élire librement et en toute transparence ceux qui doivent diriger leur destinée ».
Le professeur a rappelé que depuis 1990, « la constante a été la violence, la conservation du pouvoir par les armes, l’alternance par les armes, la gestion par les armes, et surtout l’utilisation des ressources publiques pour corrompre toute forme de contestation et les élites ».
Il a également évoqué la succession à la tête de l’État en avril 2021. « Ce n’est pas la constitution qui a été appliquée, mais son fils, Mahamat Idriss Deby, qui lui a succédé, transformant ainsi la réalité du Tchad en une monarchie, une dynastie clanique, tribale, armée et militarisée, patrimonialisée », a-t-il souligné. Pour le professeur, « le pouvoir est devenu le patrimoine d’une ethnie qui se partage entre le Tchad et le Soudan. Voilà la réalité depuis 40 ans ».
Il s’est également exprimé sur la situation politique actuelle, « Le pouvoir ethnique et tribal multiplie les répressions et les intimidations, réduisant l’espace public des libertés et toute forme de contestation ». Il a ajouté que la création de nouveaux partis politiques vise à remplacer les partis crédibles du Groupe de Concertation des Acteurs Politiques (GCAP), « C’est du clientélisme politique, profitant de la misère qui gangrène toutes les couches sociales. Créer un parti politique devient une sorte d’association pour accéder à la mangeoire et offrir une façade démocratique au clan armé qui prend le Tchad en otage depuis bientôt quatre décennies ».
Pour le professeur, « la solution serait que le jeune président Mahamat Idriss Deby, quelles que soient les circonstances, devienne le président de tous les tchadiens ». Il a insisté sur la nécessité d’un dialogue inclusif, « Il faut un vrai dialogue où toutes les couches sociales, politiques, coutumières et religieuses seront représentées, afin de discuter des vrais problèmes du Tchad. Aucune ethnie ne doit avoir le monopole du pouvoir ni le contrôle des armes pour dominer les autres ».
Enfin, il a mis en garde contre les enjeux régionaux, « Au cœur des conflits, nous ne devons pas importer celui du Soudan au Tchad, au risque qu’il devienne un conflit intertchadien. Nous sommes guettés par cette menace ». Il a conclu, « Le Lac Tchad n’est pas bien contrôlé, les terroristes n’ont pas disparu malgré toutes les opérations et sacrifices. La Libye ne dispose pas d’un État central fort, la Centrafrique est fragile et le Cameroun reste dans l’incertitude. Nous devons être extrêmement prudents ».
Abderamane Moussa Amadaye