
Alors que le journal Le Pays fait face à un harcèlement persistant depuis la libération de son Directeur de publication, Monodji Olivier, Makine Djama, journaliste à l’hebdomadaire et responsable administratif, nous a accordé une interview. Il revient sur la situation actuelle, les pressions subies et la détermination de la rédaction à poursuivre son travail d’information.
FT : Depuis la libération de votre Directeur de publication, que se passe-t-il concrètement autour du siège du journal ?
MD : Écoutez, le DP du journal Le Pays a été libéré le 8 juillet dernier après avoir passé 124 jours en prison. Il s’est reposé à la maison pendant presque un mois avant de reprendre le boulot, il présente encore le signe de fatigue générale mais il compte mieux être avec nous pour nous galvaniser que de continuer par rester à la maison. C’est ainsi, depuis sa reprise il y a quelques semaines, on a constaté des présences des gens qui viennent tout autour du journal pour guetter s’il est bien là au bureau. Les voitures banalisées vitres teintées rodent, le matin entre 10h et 14h et le soir au alentour de 17h. Ils s’arrêtent net au siège pour contrôler si le bureau du directeur est ouvert ou fermé. S’ils constatent qu’il est fermé ils repartent après quelques minutes, si le bureau est ouvert ils s’assurent si réellement il est là.
FT : Selon vous, qui est derrière ces menaces ? Est-ce que vous pensez que cela vient des services de renseignements ?
MD : Ceux qui sont derrière ça, c’est possible que ce sont les services des renseignements parce que même avant l’arrestation du DP, le siège du journal notamment le personnel est suivi de près par ces agents-là. Avant l’arrestation, pendant l’arrestation et jusqu’à sa libération nous sommes menacés. Le 12 août dernier, juste après le point de presse de Dr Sitack qui a eu lieu à la maison de presse du Tchad, deux agents des renseignements généraux qui étaient présents à la maison de la presse du Tchad nous ont suivis jusqu’au siège. Ils ont vu l’emplacement du siège et sont repartis.
FT : Comment vos journalistes vivent-ils cette situation au quotidien ?
MD : Nous sommes sereins et concentrés sur l’objectif qui est d’informer la population. Le système en place cherche à museler les voix, la presse libre d’une manière générale. Notre force face aux menaces c’est la capacité de surmonter les différentes épreuves que notre organe a traversées depuis l’arrestation de notre Directeur de publication. Nous avons tenu à maintenir le même élan dans toute l’équipe jusqu’à aujourd’hui.
FT : Avez-vous cherché à alerter les autorités, et qu’est-ce qu’elles vous ont répondu ?
MD : Justement, nous avons alerté les différentes corporations des journalistes notamment l’UJT, le patronat de la presse tchadienne, l’AMET, et même la CNDH. Nos menaces ne datent pas d’aujourd’hui mais c’est parce que ces derniers temps ça s’accentue. On est harcelé quotidiennement.
FT : Que compte faire le journal face à ces pressions ?
MD : Nous ne reculerons jamais, un soldat de l’info n’abandonne pas son stylo, micro et caméra face aux menaces. C’est en tenant bon, en dénonçant les dérives que nous allons changer la donne. Nous savons que le système MPS en place n’aime pas qu’on dénonce ses ratés. La presse est libre, bien qu’on s’achemine vers un univers de non-droit ces derniers temps compte tenu des dérives que le système a mises en place mais nous tenons bon jusqu’au bout. Les journalistes, les défenseurs des droits humains doivent tenir bon car les intimidations et menaces sont notre pain quotidien. Le système en place veut nous plonger dans un avenir sombre en nous poussant à abandonner nos activités qui sont la défense de nos compatriotes. Que deviendra le Tchad si toutes les voix discordantes sont écrasées ?
Entrevue réalisée par Abderamane Moussa Amadaye