Suite à la guerre du Soudan qui a éclaté depuis plus d’une année, flashtchad.com a tendu son micro ce mercredi 17 juillet 2024 au Général Idriss Abderamane DICKO, ancien ministre délégué auprès du ministère des armées. Officier de l’armée tchadienne avec plus de 30 ans d’expérience au Tchad et membre démissionnaire de la commission des Nations-Unies sur le guerre au Darfour de 2002, Gal. DICKO s’est exprimé sans filtre sur la situation actuelle du Soudan qui l’a bouleversé et parle aussi de ses conséquences et propose des pistes de solutions de sortie de crise. Entrevue.

FT : Bonjour Général Dicko, depuis plus d’une année, le Soudan, pays frontalier avec le Tchad, connaît une guerre fratricide entre les forces militaires soudanaises et les FSR. Vous, au-delà d’être officier, avez servi au sein de la commission des Nations-Unies sur la guerre au Darfour en 2003. Quel commentaire ou quelle analyse faites-vous de cette situation actuelle ?

Gal.D : La situation actuelle au Soudan est une tragédie qui rappelle douloureusement les événements du Darfour en 2003 ou encore les guerres fratricides qu’a connues le Tchad en 1979. C’est une triste et douloureuse période que traverse le Soudan. Ayant servi au sein de la commission d’enquête de l’Union africaine sur la guerre au Darfour, je constate avec regret que les mêmes dynamiques de conflit, de souffrance humaine et de déstabilisation régionale persistent. Cette guerre fratricide non seulement dévaste les vies de milliers de civils, mais menace également la stabilité de l’ensemble de la région, y compris le Tchad. Ça fait mal au cœur de voir aujourd’hui le Soudan quasiment ruiné par ce conflit dont ses enfants et les enfants d’Afrique meurent chaque jour. C’est le Soudan et l’Afrique qui perdent.

FT : Dites-nous, quels sont les impacts de cette guerre sur le Tchad ?

Gal.D : Les impacts de la guerre au Soudan sur le Tchad sont multiples et significatifs. En premier lieu, le conflit entraîne un afflux massif de réfugiés soudanais cherchant asile au Tchad, ce qui exerce une pression énorme sur les ressources locales et les infrastructures. En outre, la proximité géographique des deux pays, avec une frontière partagée de 16 000 km, la plus longue de tous les pays limitrophes du Tchad, facilite les incursions armées et les trafics illégaux, exacerbant l’instabilité sécuritaire dans la région. Les échanges commerciaux entre les deux pays sont également perturbés, affectant l’économie tchadienne. Enfin, les tensions ethniques et tribales peuvent être exacerbées par le conflit soudanais, contribuant à des troubles internes et à une détérioration des relations sociales au Tchad.

FT : Quels seraient, selon vous, les principaux éléments d’un plan de paix durable pour le Soudan ?

Gal.D : Pour une sortie de crise, il faut nécessairement un dialogue. Nelson Mandela disait, « Le dialogue est la clé pour résoudre tous les problèmes, qu’ils soient personnels, nationaux ou mondiaux ». Il faut vraiment penser à réconcilier les Soudanais par la voie du dialogue sincère et transparent. Il n’y a qu’eux et entre eux qu’ils pourront trouver une solution dans le dialogue.

FT : Quel message souhaiteriez-vous adresser aux Tchadiens qui soutiennent x ou y belligérants dans cette guerre fratricide soudano-soudanaise ?

Gal.D : Mon message aux Tchadiens qui soutiennent différents belligérants dans le conflit au Soudan serait celui-ci : Chers concitoyens, dans les conflits fratricides comme celui au Soudan, il est crucial de se rappeler que chaque soutien individuel a un impact sur le terrain, souvent prolongeant la souffrance et la division. Considérez les conséquences à long terme de vos actions et rappelez-vous que la paix durable nécessite souvent des compromis et la recherche de solutions pacifiques pour le bien-être de tous les peuples concernés. S’ils veulent s’impliquer, qu’ils le fassent par la prière pour une paix durable au Soudan. Ce conflit ne concerne pas le Tchad. Depuis quelques temps des informations circulent sur les réseaux sociaux, laissant entendre que les Beris (Zaghawa) du Tchad soutiennent leurs homologues du Soudan dans la guerre en cours, sont erronées. Certes, notre culture valorise la solidarité, que nous soyons présents au Tchad, au Soudan, en Libye ou encore au Niger. Cependant, il est essentiel de clarifier que les Beris du Tchad ne se mêlent pas des affaires du Soudan, car ils sont avant tout Tchadiens. Cette guerre est une affaire strictement soudano-soudanaise et ne concerne pas les Beris du Tchad.

Entrevue réalisée par Abderamane Moussa Amadaye

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