
Invité à réagir aux propos controversés du ministre de la Sécurité publique et de l’Immigration, Franck Nakingar Djirangaye, président de l’Observatoire des Droits et Libertés (ODL), n’a pas mâché ses mots. Le ministre, lors d’une sortie médiatique, avait suggéré l’exécution directe des bandits pris en flagrant délit, tout en défiant ouvertement les défenseurs des droits humains. Une déclaration qualifiée par Nakingar d’« élucubrations d’un commandant dépassé par les événements ».
Pour le défenseur des droits humains, de tels propos ne sont pas dignes d’un ministre d’un État dit républicain. « Quand un ministre appelle à l’exécution sommaire, il autorise implicitement les dérives et légitime l’impunité sur le terrain », alerte-t-il. Il redoute que les acteurs de la société civile deviennent désormais des cibles faciles pour les autorités locales, encouragées à agir sans cadre légal. « C’est extrêmement dangereux. Dans la brousse, face à un commandant de brigade ou un préfet, qui nous protégera ? », s’inquiète-t-il.
Plus grave encore, selon lui, nombre de criminels présumés seraient déjà dans les rangs des forces de sécurité. « Qui exécutera qui ? Les assassins d’hier deviennent les justiciers d’aujourd’hui », ironise-t-il. Pour Nakingar, ce climat ouvre la voie à une normalisation du chaos et à une justice de la vendetta.
Interrogé sur les conflits intercommunautaires et entre éleveurs et agriculteurs, il accuse l’État de passivité volontaire. « Ce ne sont pas des conflits spontanés. Ils sont entretenus par certains intérêts politiques ou militaires bien placés. » Il s’étonne que les autorités aient pu traiter rapidement avec des groupes rebelles lourdement armés, mais échouent à neutraliser des bandits locaux. « Cela prouve qu’il y a une volonté délibérée de laisser pourrir la situation », dit-il.
Enfin, il déplore une instrumentalisation de la justice. « Maintenant, il faut l’autorisation du ministre ou du procureur pour enquêter ? Cela étouffe la liberté de la presse et le droit à la vérité. » Et de conclure, « la cohabitation pacifique reste un slogan vide, tant que l’État refuse d’agir concrètement. »
Akhouane Soussé