Depuis plusieurs semaines, comme son défunt père, le président Mahamat Idriss Deby Itno, enchaîne les descentes inopinées. Une démarche qui, au-delà de son effet de surprise, soulève des questions sur l’efficacité réelle de l’appareil étatique et la gouvernance du pays.

Les visites inopinées présidentielles sont devenues au Tchad, une monnaie courante. Du père au fils, c’est le même rituel, à bord d’un cylindré, souvent au volant, avec un cortège sécuritaire minimum, de Deby père à Deby fils, des descentes « musclées » sont effectuée pour constater de visu les réalités amères de l’administration tchadienne.

Il y a quelques mois, le président a effectué le déplacement à la sortie Nord et a découvert l’arrêt des travaux routiers entre N’Djamena et Massaguet, ainsi que la lenteur dans la construction d’une centrale électrique. Sur place, il s’est montré ferme, exigeant la reprise immédiate des chantiers et dénonçant les « faux rapports » que lui transmettent certains de ses collaborateurs. Cette dénonciation publique met au grand jour, une chaîne de commandement affaiblie, où la transmission d’informations fidèles semble compromise au sommet de l’État.

Quelques jours plus tard, après de fortes pluies ayant causé des inondations dans certains quartiers de N’Djamena, le président s’est rendu sur les lieux pour constater la situation. En cause, le manque d’entretien des caniveaux. Il a ordonné leur curage, preuve que certains services attendent l’instruction d’en haut pour agir, même sur des problèmes prévisibles et récurrents. Ce qui sous-entend dire qu’au Tchad, gouverner, ce n’est plus prévenir. Mais toujours attendre, voir avant d’agir.

Hier, lundi 16 juin 2025, très tôt, le Maréchal s’est rendu à la Caisse des Retraités de Dembé dans le 7e arrondissement de N’Djamena. Il n’y a trouvé qu’un seul agent en poste, alors que de nombreux retraités qui ont servi dignement ce pays attendaient et livrés à eux-mêmes. Une scène révélatrice d’un dysfonctionnement institutionnel profond, bien au-delà de la simple absence d’un fonctionnaire.

Ces descentes permettent-elles de corriger durablement les dérives observées ? Rien n’est moins sûr. Gouverner par effet de surprise ne peut être une stratégie pérenne. Une administration performante repose sur des mécanismes de suivi rigoureux, une gestion proactive, et surtout, une culture de responsabilité à tous les niveaux.

Ces visites auront un sens si elles s’accompagnent de décisions concrètes, audits, sanctions, remaniements, ou encore réformes administratives. Sans cela, elles risquent de rester symboliques, illustrant davantage un Président contraint de descendre sur le terrain pour pallier les failles de son propre système.

Abderamane Moussa Amadaye

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